Bien qu’il exsite des statistiques officielles sur les suicides liés au travail, leurs interprétations restent des plus difficiles. On estime néanmoins qu’environ 300 à 400 salariés se suicideraient en France chaque année sur leur lieu de travail. Aussi, même si il est souvent très complexe d’établir la relation entre une difficulté individuelle et une problématique globale au sein de l’entreprise, il est impossible de ne pas chercher à évaluer le lien entre la souffrance individuelle et la situation professionnelle.
Éléments déclencheurs
Parmi les différentes situations que Crise-Up a été amené à étudier, soit en prévention, soit en intervention psychologique dans les entreprises après une tentative ou un suicide, nous avons relevé plusieurs éléments déclencheurs qui résument assez bien toutes les situations :
- Un effritement des solidarités au sein de l’entreprise,
- Un mode de management qui accentuerait de plus en plus le stress et les souffrances au travail,
- Une intensification des tâches de travail, une peur de la perte de l’emploi en faisant mal ou ne suivant pas la « cadence »,
- Une ambiance de stress collectif où la convivialité ordinaire elle-même serait entachée par des jeux stratégiques, des enjeux pour progresser dans la carrière ou pour ne pas perdre sa position...
- Un stress individuel motivé par des exigences importantes conforté par des facteurs comme : des clients difficiles, un patron ou des responsables très exigeants, peu de relations entre collègues, des commérages au bureau, des délais trop courts, des déplacements fréquents loin de chez soi, etc.
Assez paradoxalement, alors qu’il n’y a jamais eu autant de formation à la gestion du stress et au développement personnel au sein des entreprises, il semble que l’état de « santé psychique professionnel » des salariés se soit dégradée.
Le lien avec l’entreprise
Légitimement, il faut se poser la question du lien avec l’entreprise bien que la complexité des situations personnelles rend difficile l’évaluation de la responsabilité. Cependant, certaines victimes laissent une lettre, un journal, d’autres se suicident devant leurs collègues. Dans ce cas, leurs mots, leurs gestes accusent l’entreprise et désignent des coupables.
Le ton est souvent celui de la colère, de la honte et de la défaite. N’arrivant plus à gérer le conflit qui les opposait à une hiérarchie ou à des collègues, ces personnes ont perdu confiance en elles et ont retourné cette violence contre elles-mêmes. Souvent ces personnes étaient brillantes et sociables. Elles avaient beaucoup investi dans l’entreprise et n’ont pas supporté d’être injustement jugées, déconsidérées ou rétrogradées.
Le suicide ou la tentative du collègue déclenche la plupart du temps la culpabilité de chacun. Nous avons pu souvent constater que l’entreprise préfère alors, à tous les niveaux, occulter ce qui s’est passé. Mais ce déni de l’acte, du suicide, va engendrer des problématiques au sein de l’entourage professionnel. Cet entourage porte toujours la culpabilité de cet acte, qui va ensuite empoisonner les relations entre les salariés.
Le fait que l’entreprise ne réagisse pas pourrait signifier que la personne décédée ne représentait rien, que même un suicide n’arrête pas le travail. Et dans ces cas, il n’est pas rare qu’un suicide soit suivi par un autre. Nous ne détaillerons pas dans ce numéro la partie « prévention » et audit social, ni les outils à mettre en place pour détecter et essayer d’éviter que la situation dans l’entreprise n’aboutisse au drame du suicide. Nous voulons plutôt mettre l’accent sur ce qu’il faut mettre en oeuvre en cas de suicide ou de tentative.
Le suicide est un acte tellement grave dans l’entreprise, dans sa représentation et dans sa cohésion, qu’il faut apporter une réponse forte à la hauteur de cet événement.
Comment gérer ce phénomène : une réponse cohérente et concertée
Crise-Up a élaboré une méthodologie très précise d’application de procédures en fonction de l’événement et du contexte.
Il s’agit de mettre en place toutes les réponses adaptées pour face à cet événement, à la fois exceptionnel et crucial, afin de proposer un accompagnement efficace et cohérent pour atteindre un double objectif : aider les salariés et assurer la reprise de l’activité.
Évidemment toute cette démarche s’adapte aux situations particulières et s’articule avec les éventuelles missions de réorganisation de changement, d’audit, de formation... qui pourraient découler de notre analyse globale de la situation.
Christine Wingerter
© Crise-Up - Institut International de Gestion des Crises Humaines.