Pour un peu que des managers, sortis tout frais émoulus de leur stage de formation, soient en application stricte du process maison, on passe du défi irréalisable à la possible tragédie.
Le curseur est large, il va du mal être au travail jusqu’à l’irréparable, et lorsque nous sommes sollicités, un peu en dernier recours, nous constatons souvent une situation dégradée caractérisée par de nombreuses démissions et un absentéisme important inhérent à des arrêts maladie à répétition.
Comment pourrait-il en être autrement, lorsqu’on explique à une collaboratrice qui a trente ans de présence dans une enseigne, que dorénavant ce n’est plus comme ça qu’elle doit dire bonjour à ses clients ?
Accordons-nous un brin de cynisme et oublions les personnes pour ne nous concentrer que sur l’exercice comptable.
Est-ce que cette manière de faire favorise la profitabilité de l’enseigne ?
Quand on a compris que la productivité a un lien étroit avec la motivation, la réponse est évidemment non, d’autant qu’un monde managérial idéal prône que le qualitatif soit vecteur du quantitatif.
Autrement dit, quand on oublie de mettre l’essentiel au cœur de l’important, il faut se préparer à vivre des moments difficiles qui affecteront l’ensemble du personnel, et par voie de conséquence l’entreprise.
L’important c’est la richesse de l’entreprise, sa profitabilité, l’essentiel ce sont les valeurs de l’être humain, sa culture, peut être sa spiritualité, dans tous les cas on est bien loin du concept managérial Copy and Paste.
La cause est-elle perdue ?
Tout ce qui favorise la pensée de la possibilité immédiate du pire, de même que la peur comme déterminant des comportements, devrait être entendu comme des procédés qui n’ont jamais été porteur de sens.
S’il m’est demandé d’appliquer une manière de faire sans même chercher à comprendre ce qui la motive, ou avoir la possibilité d’apprécier si elle est adaptée à mon environnement, l’entreprise me met nez à nez avec ce que je déteste, c’est à dire avoir cette sensation de ne pas maîtriser ce qui se passe et d’être pourtant jugé. L’enfer c’est d’être jugé, le paradis c’est de juger, et dans ces circonstances, l’entreprise actualise l’enfer.
Le législateur va apprécier l’enfer, et surtout ses conséquences sur les personnes qui vont se retourner vers lui pour demander réparation d’un management qui sera qualifié de déshumanisé.
Son contraire serait des managers de proximité, à qui l’on redonne une autonomie pour favoriser un cadre ou chaque collaborateur peut s’exprimer, se recentrer, progresser et s’épanouir.
Certains l’ont compris, d’autres pas encore.
Pour les juges :
« Le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel » - Cass. soc., 10 nov. 2009, n° 08-41.4972 -.
Peuvent ainsi être visés le stress découlant de l'organisation du travail ou d'une mauvaise communication dans l'entreprise, mais aussi le manque de respect, la volonté de nuire, l'incivilité jusqu'à l'agression physique.